Aéromodélisme RC
Techniques et conception
Propulsion par
moteur à turbine
Lien vers « Sauver un animal »
Auteur : Philippe Kauffmann
Version
initiale : avril 2009
Dernière
révision : 9 avril 2013
Photos : constructeur ou auteur, sauf mention contraire
N. B. : double-cliquer sur les images permet souvent d’obtenir une version agrandie.
Sommaire
Principe
de fonctionnement et comportement d’une turbine à gaz
Adaptation
au modèle et précautions
Les turbines – nommées turboréacteurs dans le monde de l’aviation
grandeur − sont universellement utilisées dans ce contexte pour les
avions de chasse et de ligne, mais elles ne sont entrées que relativement récemment
dans l’univers de l’aéromodélisme. On peut distinguer deux types de propulsions
à turbines :
·
Les
turbines à entraînement électrique (EDF en anglais pour Electric Ducted Fan)
pour aéromodèles de dimensions ordinaires (masses de 500 g à 2 kg), à la portée
de tous les modélistes un peu expérimentés. Ces turbines se comportent comme
des petites hélices rapides entraînées par des moteurs électriques. Ce cas peu
différent de la propulsion à hélice classique est donc traité au chapitre de la
propulsion électrique.
·
Les
turbines à gaz dérivées directement des turboréacteurs de l’aviation grandeur. Ce
matériel est très coûteux (les prix s’expriment en milliers d’euros) et prévu
typiquement pour des très gros modèles (typiquement de 7 kg à 25 kg). Les modèles
à turbine à gaz imposent donc un très grand terrain d’aéromodélisme et aussi
beaucoup d’expérience car de plus leur vitesse est très élevée. Elle est
classiquement de 200 km/h, mais peut atteindre 500 km/h. Il s’agit donc d’un
type de propulsion réservé à une élite (dont l’auteur de ces lignes ne fait pas
partie). Ceci étant, comme à toute règle il y a des exceptions, il existe
maintenant des systèmes de propulsion à turbine à gaz de moins de 800 g [1] (photo 1) tous pleins faits pour des modèles de 2 kg à 3
kg.
Photo 1 : plus petite
turbine à gaz du monde de masse 210 g (commercialisée à plus de 15 € le
gramme…)
Principe de fonctionnement et comportement d’une turbine à gaz
Les cycle thermodynamique d’une turbine à gaz est similaire à celui d’un
moteur à explosion, à savoir :
·
compression,
·
inflammation du mélange air comprimé/carburant,
·
détente du gaz de combustion avec récupération de
l’énergie,
·
évacuation des gaz brûlés.
La différence principale tient au fait que dans une turbine à gaz les
quatre phases sont exécutées en continu en des lieux différents de la turbine
au lieu de successivement dans un moteur à explosion.
Figure 1 : turbine à gaz à
compresseur centrifuge (source Wikipédia)
La figure 1 montre une turbine gaz simple flux à compresseur centrifuge
du type de celles utilisées en aéromodélisme. Chaque étape thermodynamique est
visible sur le schéma. L’air entre dans la turbine par l’avant (la gauche) et
comprime l’air grâce au compresseur centrifuge. Une fois comprimé, l’air est
injecté dans la chambre de combustion annulaire en même temps que le
combustible et enflammé. Le gaz dilaté par la chaleur de la combustion est
fortement accéléré vers l’arrière et éjecté à forte vitesse par la tuyère.
Entre temps, les gaz de combustion sont passés à travers la turbine qui
entraîne le compresseur en prélevant un peu d’énergie dans le flux de gaz à
haute température. Attention, la figure 1 montre une turbine axiale à trois
étages, ce qui est incorrect car un seul étage suffit toujours. Les turbines
peuvent avoir diverses architectures, celle présentée à la figure 1 est aussi
celle des premières turbines anglo-américaines développées durant la seconde
guerre mondiale et qui a été reprise juste après la guerre par l’URSS pour
motoriser le MIG15, premier chasseur soviétique à réaction. En raison de sa
simplicité cette architecture est toujours très utilisée pour les micro
turbines en tous genres.
Quelques chiffres permettent de préciser un peu les conditions de
fonctionnement. La vitesse en bout des pales du compresseur est transsonique (≈
330 m/s) afin d’obtenir un rapport de
pression suffisant, en général de l’ordre de 4. La température des gaz de
combustion est limitée aux environs d’un maximum de 700 °C par un fort excès
d’air afin de ne pas détruire les pales de la turbine. Les gaz s’échappent par
un col sonique. Un col sonique est formé par convergent suivi d’un divergent
avec un passage du gaz à la vitesse du son au niveau du col. Cet arrangement
particulier permet d’obtenir des vitesses supersoniques après le col. En effet,
en amont du col les gaz sont accélérés par la diminution de la section, mais
dès qu’on est à vitesse supersonique, c’est l’élargissement de la section qui
provoque une accélération en même temps qu’une détente du gaz. En sortie du
réacteur, la pression est à nouveau celle de l’atmosphère grâce à la détente du
divergent et la vitesse des gaz est de l’ordre de 1650 km/h, donc largement
supersonique.
Photo 2 : éclaté d’une
turbine à gaz JetCat [2]. Noter à l’extrême gauche le
moteur électrique de
démarrage et en bas au centre gauche les
thermocouples de mesure de température des gaz pour la régulation.
La photo 2 permet d’avoir un aperçu des composants d’une turbine à gaz.
La partie haute montre le compresseur et sa turbine d’entraînement reliés par
un axe commun. Au centre gauche on voit le moteur électrique de démarrage et au
centre droit on voit le stator de la turbine suivi du cône du convergent
sonique. En bas de la photo 2 on voit de gauche à droite : le redresseur
de flux du compresseur centrifuge, les thermocouples de mesure de la température
des gaz qui servent à l’unité électronique de contrôle (ECU) pour régler le
débit de kérosène suivi par la chambre de combustion annulaire.
La photo 3 montre une turbine à gaz déshabillée qui met bien en évidence
le compresseur centrifuge et la chambre de combustion. La photo 4 permet quant
à elle de faire directement le lien entre la figure 1 et une turbine réelle.
Noter que la différence la plus visible tient dans la forme de la chambre de
combustion. En effet l’air fortement ralenti par l’augmentation de la
section y rentre radialement de
l’extérieur comme de l’intérieur par les trous circulaires en formant des
tourbillons. Cette disposition est nécessaire pour stabiliser le front de
flamme.
Photo 3 : turbine Olympus AMT
[3] décapotée
Photo 4 : coupe d’une turbine Olympus de AMT
Il existe une variante de l’arrangement de la figure 1 présentée à la
figure 2, uniquement à titre d’information puisqu’on ne retrouve pas cet
arrangement en modélisme.
Figure 2 : turbine à gaz à
compresseur axial (source Wikipédia)
Dans la figure 2, un compresseur axial remplace le compresseur
centrifuge. Il faut au moins sept étages successifs de compression pour obtenir
un rapport de pression suffisant, mais le rendement de ce type de compresseur
est meilleur que celui du compresseur centrifuge. C’était l’arrangement utilisé
pour les réacteurs nazis durant la seconde guerre mondiale et repris par la
SNECMA (avec les ingénieurs allemands correspondants…) pour les réacteurs de la
famille ATAR de nos avions de chasse jusqu’au Mirage III inclus.
Les réacteurs utilisant les dispositions des figures 1 et 2 étant
affectés par une très forte consommation spécifique, on préfère aujourd’hui en
aviation grandeur utiliser l’arrangement plus compliqué de la figure 3. C’est
la configuration utilisée par tous les avions de chasse et de ligne actuels.
Figure 3 : turbine à gaz à
double flux utilisée en aviation grandeur (source Wikipédia)
Dans la configuration de la figure 3 nommée « double flux » un
second ensemble compresseur/turbine permet d’accélérer un flux d’air non brûlé dit
secondaire qui peut atteindre 20 fois le flux d’air primaire servant à la
combustion. De plus, le rapport de pression beaucoup plus élevé dans ce cas
peut atteindre 40. L’augmentation de la quantité d’air accéléré associé au très
fort rapport de pression permet d’obtenir un rendement global de l’ordre de 45
% dans le cas des avions de ligne, double de celui d’un moteur à explosion
automobile. Ceci permet à nos avions de transport de maintenir la consommation
kilométrique par passager en dessous de celle des voitures, malgré une vitesse
de croisière d’environ 850 km/h. Il reste donc de grosses marges de progrès
possible pour nos turbines à gaz de modélisme…
Photo 5 : accessoires minimum
nécessaires au fonctionnement d’une turbine à gaz
Contrairement aux moteurs à explosion qui brûlent le plus souvent du
méthanol associé à quelques pourcents d’huile dite 2 temps, la majorité des
turbines fonctionnent au kérosène additionné de 5 % d’huile pour turbines.
Toutefois, certaines turbines acceptent le Jet A1, le gazole, le pétrole, voire
de la paraffine et utilisent différents types d’huile de lubrification avec une
pourcentage qui peut descendre à 1,5 % dans certains cas. De plus, les turbines
à gaz ne se suffisent pas à elles mêmes pour fonctionner, ni pour démarrer. La
photo 5 montre les principaux accessoires d’une turbine à gaz dans le cas de la
configuration la plus simple.
Pour fonctionner il faut d’abord associer la turbine à gaz un régulateur
électronique (à droite sur la photo 5) nommé ECU (Electronic Control Unit) dans
le monde du modélisme et FADEC (Full Autority Digital Electronic Controller)
dans le monde de l’aviation grandeur, car le fonctionnement d’une turbine est
instable sans régulation. L’ECU analyse les mesures de température et de régime
de rotation et commande la pompe à kérosène (en bas à gauche de la photo 5) en
fonction des ces paramètres et de la demande de puissance. Grâce à l’ECU le système
est stabilisé, mais le ralentissement et l’accélération de la turbine s’en
trouvent fortement bridés. Il faut typiquement 2,5 secondes à une turbine à gaz
pour passer du ralenti à 50 % de la puissance. Au début de l’ère du réacteur
les régulateurs étaient mécaniques, très compliqués, et leur temps
d’accélération nettement plus importants, ce qui a permis aux alliés de se
débarrasser facilement d’un grand nombre de pilotes allemands d’avions à
réactions, malgré leurs avions plus lents… De plus, comme les réacteurs avaient
tendance à s’éteindre tous seuls, certains as nazis ont même quitté le monde
des vivants sans aucune intervention de pilote allié. Nos microréacteurs
souffrent toujours du problème d’extinction, favorisé par l’apparition de
bulles d’air dans les tubulures de kérosène, ce qui impose d’utiliser soit des
réservoirs souples purgés de leur air (poches à perfusion), soit des réservoirs
tampons pour piéger les bulles.
Le démarrage d’une turbine est compliqué et nécessite un certain nombre
d’étapes successives gérées automatiquement par l’ECU. Plusieurs techniques de
démarrage existent. Il faut dans un premier temps « ventiler » la
turbine à quelques dizaines de milliers de tr/mn, soit à l’aide d’air comprimé
extérieur (bouteille de plongée sous-marine), soit à l’aide d’un moteur
électrique (protubérance visible à l’avant de la turbine de la photo 5). Cette
seconde solution est presque universellement retenue aujourd’hui.
Après accélération suffisante de la turbine on injecte du propane ou un
mélange de propane/butane (petites bouteilles pour la brasure) qu’on allume
avec une bougie à incandescence (glow plug). Lorsque la turbine a suffisamment
accéléré, le kérosène liquide prend le relais. Ceci impose deux électrovannes
pour opérer le basculement (en haut à droite sur la photo 5) ; le
démarrage par inflammation directe du kérosène liquide étant trop difficile.
Comme le démarrage au propane est contraignant on le remplace aujourd’hui très
souvent par le démarrage direct au kérosène gazeux, évaporé sur une résistance
chauffante électrique en céramique avant injection dans le moteur. Malgré la
simplification avec cette seconde solution, deux circuits avec deux
électrovannes restent nécessaires pour passer du kérosène gazeux à faible débit
au kérosène liquide à fort débit. De plus, certaines turbines en 2013 dans une
volonté de simplification extrême gèrent les deux circuits de kérosène en
interne ; un seul circuit de kérosène externe suffit alors ; et même
le câblage électrique est simplifié en regroupant tous les fils en une nappe et
un connecteur unique (offre JerCat [2]).
·
Une vingtaine de fabricants de diverses
nationalités, mais principalement allemands, se partagent le marché. Le
hollandais AMT [3] qui détient le record de vitesse de
2010 avec une turbine Olympus à 555,59 km/h, propose les plus grosses turbines
(jusqu’à 78 kg de poussée avec la turbine Nike). A l’opposé Lambert
Microantriebe [4] propose les plus petites turbines (3
modèles de 1,5 kg à 2,7 kg de poussée). L’allemand JetCat [2],
propose l’offre la plus large (21 modèles) qui incorpore un turbopropulseur et
des groupes pour hélicoptère. Par ailleurs, Jakadofsky Jet Engines [5] et Pahl Helicopter [6] sont
spécialisés dans les groupes pour hélicoptères et turbopropulseurs. Enfin, le
britannique WREN Turbines [7] propose en plus d’une offre
diversifiée (5 turbines, 1 groupe hélicoptère, 1 turbopropulseur) la
turbine la moins chère à environ 1500 €.
Les autres fabricants (liste non exhaustive) sont cités par ordre
alphabétique avec leur offre et leur site internet si possible :
·
ATJ (4 turbines) : http://www.atj.com.tw
·
BEHOTEC (5 turbines) : www.behotec.de
·
BF-Turbines (5 turbines) : www.bf-turbines.de
·
EvoJet (4 turbines) : www.evojets.de
·
Frank Turbine (4
turbines) : www.frankturbine.de
·
G-Booster (origine Graupner et abandonnée)
·
Hawk Turbine (2 turbines) : www.hawkturbine.com
·
Hammer Engines (8 turbines) : www.iq-hammer.com
·
I-Jets (1 turbine) : distributeur : www.alm-modelisme.com/turbines/i-jet
·
Jet Central (5 turbines et un
turbopropulseur) : www.jetcentral.com.mx
·
Jetcraft (5 turbines) :
www.der-schweighofer.at
·
Jet Munts Turbines (4 turbines) : www.jets-munt.com
·
Jet Italia (4 turbines et un groupe
hélicoptère) : www.jet-italia.it
·
Modellbau Pollack (1 turbine) : www.modellbau-pollack.de
·
PST Jets (4 turbines) : www.pstjets.com
·
Rackete Turbinen (2
turbines) : www.rt-hammer.com
·
Robbe (3 turbines) : www.robbe.de
·
SimJet (marque disparue)
La gamme de poussées de 1,5 kg à 78 kg permet en principe de motoriser
des aéromodèles de 2 kg jusqu’à plus de 300 kg dans une configuration
quadrimoteur. Quoi qu’il en soit, le plus gros aéromodèle officiellement
inventorié est l’A380 de Peter Michel propulsé par quatre turbines de 12 kg de
poussée et qui pèse 75 kg.
Comme pour les autres disciplines de l’aéromodélisme, les constructeurs
proposent des aéromodèles spécialement adaptés. Le spécialiste français des
aéoromodèles à réaction s’appelle Christen Diffusion [8]
et propose un choix de modèles de taille raisonnable, c'est-à-dire de moins de
10 kg (photo 6).
Photo 6 : Fouga Magister de
Christen Diffusion [4]
Adaptation au modèle et précautions
En raison de la très forte accélération de la masse d’air, le rendement
de la propulsion est intrinsèquement très faible en vertu de la loi de Froude.
Par exemple, un modèle en vol ascendant à 200 km/h à plein régime voit un
rendement de transmission égal à environ : 200/(200 + 1650) = 0,11, à
comparer au rendement typique de 0,7 pour une hélice. Ce constat conduit à ne
pas raisonner en terme de puissance pour une turbine à gaz, l’essentiel étant
perdu, mais directement en terme de poussée nette résultante exprimée
typiquement en Newtons ou kilogrammes.
Le poids du modèle et son type d’utilisation permettent de choisir
facilement et directement la poussée du réacteur à retenir. Pour un modèle
ordinaire, une poussée de 75 % du poids convient bien. Pour un modèle qui ne
doit pas perdre de vitesse en montée, une poussée égale au poids sera
nécessaire. Pour un modèle « tonique », une poussée égale à 125 % du
poids sera le minimum.
Pour pallier au mauvais rendement de propulsion on peut utiliser un
turbopropulseur (photo 7). Dans ce cas, une turbine secondaire placée derrière la
turbine du compresseur récupère l’énergie résiduelle des gaz et entraîne une
hélice. Cette disposition est aussi utilisée associée à des réducteurs pour les
propulsions d’hélicoptères (photo 8).
Photo 7 : turbopropulseur
pour aéromodèle (source Jetcat) Photo 8 : propulseur
à microréacteur pour hélicoptère (source JetCat)
L’attrait des bonbonnes pour les utilisateurs de turbines à gaz est
évident si on considère que ces propulsions sont régulièrement associées à une
bonbonne d’air comprimé (bien utile aussi pour remplir les réservoirs d’air
comprimé des trains rentrants et freins pneumatiques) et une bonbonne de
propane. Mais cela ne suffit pas car il faut encore ajouter une bonbonne
d’extincteur à mousse carbonique pour prévenir les incendies potentiels.
L’extincteur est nécessaire pour la sécurité dans les cas de manipulation
de turbines à gaz, mais il vaut mieux aussi rester à une certaine distance
(entre 5 et 10 m) en raison du risque d’ingestion par l’avant de la turbine,
comme en raison de l’éjection de gaz brûlants par l’arrière. De toute façon, la
distance est aussi une nécessité pour épargner les oreilles.
1.
Micro turbine T32 KOLIBRI
2. Fabricant
de turbines à gaz allemand JetCat
3. Fabricant
de turbines à gaz hollandais AMT
4. Les
plus petites micro turbines : Lambert
Microantriebe
5. Groupes
pour hélicoptères et turbopropulseurs : Jakadofsky
Jet Engines
6. Groupes
pour hélicoptères et turbopropulseurs : Pahl
Helicopter
7. Fabricant
britannique de divers types de turbines : Wren Turbines
8.
Distributeur d’aéromodèles à réaction français Christen Diffusion