Aéromodélisme
RC
Techniques et
conception
Introduction et historique
Lien
vers « Sauver
un animal »
Auteur : Philippe Kauffmann
Dernière MAJ : 19/06/2018
Photos : constructeur ou auteur, sauf mention contraire
Remerciements : Avant toute chose je tiens à remercier les lecteurs qui ont donné son sens à cette page web, et surtout les individuels et clubs qui ont diffusé l’adresse de cette page dès le début et fait en sorte qu’elle soit connue et accédée. Sans eux l’aventure se serait arrêtée. Je remercie aussi ceux qui m’ont fourni quelques tuyaux, informations et signalé des erreurs. Ils ont contribué à compléter et améliorer ce document.
Sommaire du chapitre
Objectifs et construction de l’ouvrage
Vocabulaire modéliste
La cellule
La propulsion
La radiocommande
Les logiciels de détermination des modèles
Histoire
le l’aéromodélisme RC
Origines de l’aéromodélisme RC
Les périodes clefs
La préhistoire et ses acquis
Première période de l’histoire de l’aéromodélisme RC
Seconde période de l’histoire de l’aéromodélisme RC
Le futur
Cet ouvrage, extension d’une série d’articles conçus initialement pour les étudiants du premier concours « DRONES » organisé par l’ONERA, vise à devenir un vecteur de diffusion des connaissances liées aux techniques de l’aéromodélisme RC.
Objectifs et
construction de l’ouvrage
L’aéromodélisme RC tend petit à petit à se réduire au pilotage de modèles achetés sur l’internet avec des radiocommandes de la même origine, matériel choisi sur des critères de goût et dont on connaît de moins en moins les caractéristiques techniques. Bientôt apparaîtront peut être (on peut rêver) des concessionnaires qui s’occuperont de la maintenance et de l’entretien régulier. Il suffira alors, lorsque le voyant de kilométrage idoine clignotera sur la radiocommande, de retourner tout l’équipement au vendeur. Comme pour les voitures, le concessionnaire verra grâce à sa sonde informatique qu’il faut recharger les batteries et s’en occupera. Il ne vous restera plus alors qu’à actionner dans la joie votre carte de crédit car votre concessionnaire aura en plus du service standard graissé gracieusement les axes du train d’atterrissage et donné un coup de chiffon bien mérité sur la verrière.
Dans les temps « anciens » les choses étaient bien différentes. On devait alors tout faire soi-même ou presque. Nombreux sont ceux qui ont été jusqu’à fabriquer eux-mêmes leur « télécommande » comme on disait à l’époque. Certains (plus rares néanmoins) ont même été jusqu’à réaliser leur moteur de propulsion. Le modélisme était alors principalement une activité de construction précédée d’une activité de conception (ou de recherche documentaire visant à améliorer le travail d’un prédécesseur) et suivie d’une activité de mise au point qui consistait à alterner les essais, les erreurs et les recollages (ce qui limitait les décollages). L’exploitation du modèle opérationnel, cerise sur le gâteau, n’était alors que l’étape finale d’un long processus, dédaigné par certains et inaccessible à d’autres. En effet, nombreux sont les modèles qui n’ont jamais décollé et attendent la retraite de leur propriétaire pour enfin sortir de la cave ; sort toujours plus enviable que celui de ceux qui ont été définitivement détruits bien avant la fin de la première minute de vol.
Face à ce constat, il a semblé pertinent de graver sur l’internet, marbre du début du XXIème siècle, les principales connaissances liées au modélisme RC avant qu’elles ne s’effacent de la mémoire humaine. Seront donc présentées ici les techniques sur lesquelles s’appuie ce loisir :
· mécanique des fluides (aérodynamique, thermodynamique, météorologie…)
· matériaux (résistance, déformation, mise en œuvre…)
· mécanique (principes généraux, dynamique, conception…)
· électrotechnique (moteurs, énergie…)
· électronique (électronique numérique, radiocommunications)
· construction (collage, façonnage, usinage …)
· pilotage (débutant et intermédiaire)
Etant donné qu’il est impossible de couvrir tous ces domaines de façon exhaustive à un niveau d’ingénieur dans un ouvrage de taille limitée, ne sera développé que ce qui sert directement l’aéromodélisme RC loisirs, et ce à un niveau technicien ; c'est-à-dire avec l’utilisation des outils mathématiques et informatiques, mais uniquement à un niveau élémentaire.
Malgré les limitations qui viennent d’être édictées, il y a de quoi noircir plusieurs centaines de pages tant les techniques couvertes par l’aéromodélisme sont vastes. L’auteur espère que malgré ces limitations, l’ouvrage intéressera les modélistes qui veulent comprendre les techniques et interagir avec leur passion ; et qu’il ne découragera pas ceux dont qui n’ont pas de formation technique.
Le vocabulaire modéliste reprend ceux de l’aviation, de la mécanique et de la radio puisque qu’un aéromodèle (le modèle réduit d’avion) est constitué d’un moteur de propulsion, d’une radiocommande et de la cellule, sans oublier le modéliste alias pilote et parfois constructeur. Ce vocabulaire ordinaire est rappelé brièvement ici à l’usage du débutant. Pour commencer on notera qu’on parle de maquette lorsqu’il s’agit d’une reproduction fidèle à échelle réduite d’un avion réel (dit grandeur dans le vocabulaire modéliste), et de modèle réduit lorsqu’il ne s’agit pas d’une reproduction. Le terme de semi-maquette est souvent utilisé pour désigner une maquette qui ne respecte pas strictement les proportions de l’original ou change certains éléments. On utilise souvent les semi-maquettes, car une maquette stricte pose bien souvent des problèmes de comportement à cause de la taille de certaines surfaces aérodynamiques inadaptées à notre échelle ou parce que certains détails sont trop difficiles à reproduire fidèlement (train d’atterrissage ou moteur de propulsion par exemple).
La cellule
La cellule (voir photo 22) est constituée d’un fuselage qui porte tous les autres éléments d’avant en arrière :
· un train d’atterrissage avant (dans le cas d’un train tricycle) constitué d’une roue en principe directrice portée par la jambe de train,
· les ailes (bien que les modélistes disent souvent une aile pour désigner le plan de sustentation composé de deux ailes),
· le train d’atterrissage principal constitué de deux roues et leurs jambes situées sous les ailes,
· la queue (parfois appelée empennage) composée d’une dérive (surface verticale) et de l’empennage horizontal (surface horizontale),
· la roulette de queue ou béquille si le modèle possède un train d’atterrissage classique.
Les ailes (voir photo 23) ont le bord d’attaque à l’avant (15), le bord de fuite à l’arrière (29), le saumon (41) à l’extérieur, l’emplanture au niveau du fuselage. On appelle intrados la surface inférieure et extrados la surface supérieure. Il y a le plus souvent des gouvernes au bord de fuite vers le saumon, surfaces mobiles pour le pilotage nommées ailerons (34 & 35). La structure traditionnelle des ailes se compose principalement de longerons (1, 3, 5, 7) et de nervures (13) renforcées par un coffrage (28).
Le fuselage traditionnel est composé de couples (63, 72, 73, 47 à 51) tenus ensembles par des longerons (43 & 55) et renforcé, surtout à l’avant, par un coffrage (42, 54 & 70). On y ajoute le plus souvent un cockpit pour l’esthétique.
La propulsion
La propulsion est le plus souvent composée d’un moteur à explosion ou d’un moteur électrique le plus souvent « brushless » .
Le moteur à explosion porte à l’avant l’hélice tenue par un cône d’hélice pour assurer la propulsion. Le corps du moteur s’appelle carter. Il porte dessus à l’avant le carburateur qui assure la réalisation du mélange air/carburant réglé par un gicleur et sa vis de richesse ; le carburant étant amené par une durit en silicone (photo 18). Derrière le carburateur on trouve le cylindre unique (sauf exception) surmonté par la bougie (sauf pour les moteurs à auto-allumage comme à la photo 26). On fixe sur le cylindre le silencieux d’échappement (photo 18) obligatoire pour limiter le bruit. Pour alimenter le moteur, on ajoute dans le fuselage un réservoir de carburant, et pour régler la puissance on ajoute un servo de gaz.
Le moteur électrique est plus simple. On ne distingue que deux parties : le rotor, partie tournante qui entraîne l’hélice, et le stator, partie fixe reliée au fuselage. Pour fonctionner il nécessite un boîtier électronique nommé contrôleur ou variateur piloté par la radiocommande et un accumulateur de propulsion.
La radiocommande
La radiocommande (voir photos 14,
15, 16, 17, 24, 25) se décompose en deux parties principales : l’émetteur
de pilotage (tenu en main, ou maintenu sur le buste avec des sangles) avec ses
deux manches pour donner les ordres et l’antenne pour les
rayonner l’onde radio dans l’air, et le récepteur placé dans
l’aéromodèle qui a besoin pour fonctionner d’un accumulateur de réception
(sauf dans le cas de la propulsion électrique si on utilise un contrôleur muni
d’un dispositif BEC (abrévation de Battery Eliminator Circuit)). Le
récepteur transmet les ordres sous forme électrique à des servos qui
font tourner leur palonnier qui transmet ce mouvement via une tringlerie
à une chape fixée sur chaque gouverne mobile.
Les logiciels de détermination des modèles
L’intérêt de comprendre et maîtriser les techniques de l’aéromodélisme RC est -- entre autre -- de permettre de calculer les caractéristiques de ses modèles a priori comme a posteriori. Malheureusement, les calculs à faire sont nombreux et laborieux. Aussi, puisqu’on dispose d’un outil informatique, les logiciels de détermination des modèles et autres logiciels spécialisés dans l’aérodynamique sont souvent utilisés. Ceux décrits dans cet ouvrage sont :
Logiciels
spécialisés :
· xfoil : soufflerie numérique à interface en mode texte,
· javafoil : soufflerie numérique avec interface graphique (présenté dans cet ouvrage),
· javaprop : logiciel de calcul d’hélice (présenté dans cet ouvrage),
· nurflugel : logiciel de calcul des ailes volantes et de la répartition de la portance (présenté dans cet ouvrage).
Logiciels généraux :
· Aérocalc : logiciel écrit pour cet ouvrage. Le code source, écrit en script Tcl/Tk (langage informatique le plus concis et le plus simple à comprendre par un non informaticien) est décrit et expliqué en détail afin que ceux qui s’intéressent aux techniques de programmation aient l’opportunité de pouvoir s’y former.
· Visuaéro : logiciel complet pour planeurs. Il n’est plus distribué.
· PredimRC : logiciel pour les planeurs et moto-planeurs [1]. Il offre en plus d’Aérocalc l’intégration de xfoil et le calcul de la répartition de la portance. Il dispose aussi d’une remarquable base de données sur les moteurs électriques. Par contre, il ne permet pas le calcul préalable des masses.
Histoire
de l’aéromodélisme RC
L’aéromodélisme RC est le dernier
avatar de l’aéromodélisme, troisième discipline aéromodéliste après celle des aéromodèles
contrôlés par des fils (vol circulaire) et de celle des aéromodèles non
contrôlés sinon par une minuterie destinée à les arrêter (vol libre).
L’aéromodélisme RC a évidemment repris à son compte les techniques de
construction et de propulsion du vol libre et circulaire, techniques qu’il a
étendu et amélioré. Curieusement, les revues d’aéromodélisme françaises ont
longtemps boudé cette discipline pourtant largement décrite dans les revues
d’électronique. Modèle Magazine et MRA (mensuel de 15 pages dans les années 60)
n’ont commencé à s’y intéresser que dans les années 70 alors que le HAUT
PARLEUR (hebdomadaire de 150 pages dans les années 60) proposait
systématiquement des articles sur le thème dès les années 50. Un bref
historique critique de cette tranche d’histoire va être évoqué ci-après.
Origines de l’aéromodélisme RC
Le vol libre date du début de
l’aviation, c'est-à-dire de la fin du XIXème siècle pour la bonne et
simple raison que les pionniers ont bien souvent testé ce qu’ils imaginaient
sur des maquettes avant d’oser aller plus loin.
Le vol libre s’est développé tout au
long de la première moitié du XXème siècle (jusque vers 1950). C’est durant
cette période qu’ont été mis au point les techniques de construction en
structure recouvert de tissu ou papier et les premiers moteurs à explosion,
utilisés ensuite par l’aéromodélisme RC. Cette période est décrite en détail
dans l’excellent livre «La Grande Histoire des Petits Avions» de Jean
Champenois.
Les prémices du contrôle radio
datent de 1938, lorsque les frères Good aux US réalisèrent le « Big
Guff » (photos 1 et 2), avion contrôlé par un système à tubes à vide
monocanal (photo 3 et 4). Le Big Guff était un très gros modèle comme on peut
le remarquer sur la photo 1, et ce bien sûr à cause du poids de la radio.
L’avion était conçu très stable comme un modèle de vol libre (ailes hautes,
fort dièdre et centre de gravité très avant) car le contrôle se faisait
exclusivement en direction à l’aide du bouton « KEY » de la radio (photo
3). Une impulsion permettait d’aller à gauche, deux impulsions orientaient à
droite. Le gros bouton de réglage central (photo 3) permettait d’accorder la
fréquence de l’émetteur sur celle du récepteur, réglage rendu nécessaire par
l’instabilité des fréquences, fonction de la température et de l’humidité. Sur
le récepteur (photo 4) on peut remarquer le tube à vide unique de réception
(fonctionnant en superréaction) et à sa droite le relais qui contrôlait
l’échappement de direction.
La seconde guerre mondiale mit un
point d’arrêt à tout progrès réel pendant une décennie ; à cause de la
guerre elle-même tout d’abord, puis ensuite parce que les gens avaient des
choses plus essentielles à faire que faire du modélisme à la fin du conflit.
Les Etats Unis d’Amérique ayant été un des rares pays développé n’ayant pas
souffert de la guerre sur son sol, les frères Good ont pu diffuser durant cette
période troublée dans leur pays en petite quantité leur modèle et leur
télécommande. Le Big Guff est visible au musée de l’AMA (Academy of Model
Aeronautics) [2] aux US.
Photo 1 : Le Big Guff (photo internet) Photo 2 : plan du Big Guff (photo internet)
Photo 3 : Emetteur monocanal (photo internet) Photo 4 : récepteur monocanal (photo internet)
L’aéromodélisme a pu redémarrer vers
1950 lorsque les gens ont pu enfin à nouveau prendre quelque loisir (l’aéromodélisme
n’a pas été le principal loisir prisé à cette époque comme en témoigne le baby
boom). Les expériences RC ont donc pu reprendre entre les mains de quelques
pionniers. Par chance, William Shockley [3] venait d’inventer
le transistor (1947) pour le compte de la société de téléphones américaine
Bell. Le transistor allait mettre environ une décennie pour se retrouver dans
les premières télécommandes multicanaux, premiers systèmes suffisamment légers
et réellement opérationnels accessibles au grand public. C’était la fin de la
préhistoire de la RC. On peut donc considérer que l’histoire de l’aéromodélisme
RC a réellement commencé vers 1960 avec les premières télécommandes
commerciales « tout ou rien » multicanaux. Elles étaient peu
performantes et allaient rapidement laisser la place aux ensembles
proportionnels, radiocommandes très proches de ce qu’on connait aujourd’hui. De
1966 à l’an 2006 les techniques de l’aéromodélisme ont peu évolué. Le début du
XXIème siècle a enfin apporté un progrès considérable avec la
motorisation électrique. En 2006, les américains ont forcé une nouvelle fois
l’évolution des radiocommandes avec le 2,4 GHz ; innovation imposée non
sans difficulté aux fabricants et nos organismes de normalisation en léthargie.
L’aéromodélisme avait déjà un long
passé en 1960 lorsque les télécommandes ont envahi l’univers modéliste. Les
moteurs à explosion à autoallumage avec et sans bougie à incandescence étaient
déjà au point depuis longtemps. Certains moteurs de cette époque sont toujours
dans le commerce aujourd’hui (photo 5), ce qui prouve la stagnation de cette
technologie depuis 50 ans. On peut aussi trouver, mais beaucoup plus
difficilement, des moteurs de l’époque préhistorique (avant le second conflit
mondial) à nouveau fabriqués pour notre plus grand plaisir (photo 7) ; là
on peut remarquer des changements significatifs.
Photo 5 : moteur COX 0,8 cm3 Photo 6 : moteur ENYA 1,5 cm3
Photo 7 : moteur MILLS 75
La technique universelle et unique
de construction des cellules durant cette préhistoire reprenait le principe de
construction des avions de la première guerre mondiale, c'est-à-dire une
structure en treillis de baguettes ou tubes, entoilée et éventuellement peinte
(photos 8 et 9). Vers la fin de la période (années 50), le matériau quasi
universel était devenu la baguette de balsa carrée, l’entoilage étant réalisé
le plus souvent avec du papier japon (planeurs légers) ou de la soie ;
l’un comme l’autre des matériaux étant couvert en général de plusieurs couches
de verni de tension transparent avant la peinture opaque éventuelle. Le
fuselage des modèles motorisés, comme le Big Guff, utilisaient souvent, en plus
des baguettes, des planchettes de balsa pleines à l’avant pour que l’ensemble
résiste aux vibrations destructrices du moteur.
Photo 8 : Planeur Graupner
1952 (photo Graupner) Photo
9 : Big Guff (photo AMA)
Première période de l’histoire de l’aéromodélisme RC
Ce qui est qualifié ici de
« première période de l’histoire » est la période durant laquelle la
télécommande s’est généralisée grâce aux ensembles « tout ou rien »
commerciaux. Cette période brève a commencé progressivement vers la fin des
années 50 et a fini tout aussi graduellement entre 1966 et 1970 avec la
disparition des derniers systèmes « tout ou rien » des magasins. Le
contrôle par radio était enfin accessible au grand public, mais guère
performant car le contrôle était « tout ou rien » comme sur les
consoles de jeux de bas de gamme. On utilisait alors le principe du
« bipage » (impulsions brèves) pour essayer d’obtenir un semblant de
proportionnalité d’action d’autant plus difficile à obtenir qu’on ne pouvait
pas faire fonctionner les manches en diagonale, c'est-à-dire par exemple agir
simultanément sur la direction et la profondeur. C’est en décembre 1966 qu’est
apparu enfin « Radio Modélisme » [3], le premier
magazine traitant ce domaine de
l’aéromodélisme vieux déjà de près de 20 ans !
Faire de beaux vols était alors très
difficile. Par chance, il arrivait à l’époque que, peu habitué au maniement des
batteries Cadmium/Nickel, on oublie de les recharger. Le modèle, ayant hérité
de la stabilité des modèles de vol libre et de son étiquette préimprimée avec
le nom et l’adresse du propriétaire, pouvait alors se libérer en faisant de
grands cercles tout en montant vers le firmament et s’éloignant dans la
direction du vent. Il suffisait alors de rentrer chez soi et préparer une bonne
bouteille d’alcool pour remercier celui qui n’allait pas tarder à vous
rapporter votre bien.
N. B. :
lorsque le vent était suffisant et bien orienté, le modèle, comme certains
chevaux, pouvait être de retour au bercail avant son propriétaire.
Durant cette période les USA étaient
largement en avance, mais aussi l’Allemagne grâce à la société Graupner qui
avait réussi à passer entre les bombes durant la guerre. On utilisait donc à
l’époque beaucoup de matériel de cette société (moteurs, cellules et télécommandes),
beaucoup plus qu’aujourd’hui car la concurrence était alors bien moindre (les
américains exportaient peu et les français se laissaient aller).
Sont typiques de cette période
l’Amateur (photo 10 et 11) pour débutant ou la Caravelle (photo 12 et 13), un
des premiers « multis » pour la voltige. Le mot « multi » a
d’ailleurs été inventé à cette époque pour désigner la
« multicommande » (typiquement 8 canaux électroniques, soit 4 voies)
pour l’acrobatie par opposition à la mono-commande exclusivement directionnelle
du Big Guff. L’Amateur de 1966 a été retiré en 2008 du catalogue Graupner car
il n’était pas « Almost Ready to Fly » (ARF). Quant à la Caravelle,
Graupner l’a réintroduire en 2009 pour quelques années sous forme d’ARF. Vous
ne pourrez pas pour autant l’utiliser pour goûter aux joies du tout ou rien
(TOR), à moins de trouver aux puces un émetteur de l’époque (photo 14) avec son
ensemble de réception (photos 15 à 17). En plus de l’absence de
proportionnalité et de simultanéité, un inconvénient supplémentaire de ce
système était le poids du systèmes de réception de l’ordre de 600 à 700 g pour
un ensemble de 4 voies à une époque où un 10 cm3 OS (photo 18) ne
donnait guère plus d’un cheval…
Photo 10 : Amateur de 1966 (photo
Graupner) Photo
11 : Amateur de 2008 (photo Graupner)
Photo
12 : Caravelle de 1963 (photo Graupner) Photo 13 : Caravelle
de 2009 (photo Graupner)
Photo 14 : Emetteurs 2 à 10
canaux TOR Variophon de 1962
Photo 15 : Récepteur modulaire 10 canaux (photos Graupner)
Photo
16 : Servo à retour automatique Photo 17 : Servo
de gaz sans retour (photos Graupner)
Photo 18 : OSMAX 60RC de 1968 (1 CV pour10 cm3)
Seconde période de l’histoire de l’aéromodélisme RC
La période TOR multicanaux n’a été
qu’une brève période de transition. Dès fin 1965 les américains innovent à
nouveau en introduisant les radios proportionnelles. Elles apparaissent donc
sur le marché, mais elles sont très chères (de l’ordre de l’équivalent de 5000
€ de 2018). Les radios TOR continuent donc à être vendues quelques années, en
même temps que des articles dans les magazines apparaissent aussi bien en
France qu’outre atlantique et outre Rhin pour décrire des radios
proportionnelles à transistors à faire soi-même (comme cela avait d’ailleurs
déjà été fait pour les radios monocanal à lampes).
Francis Thobois [4]
qui faisait partie des auteurs qui décrivaient ces systèmes est resté le seul
au monde à proposer des radiocommandes à faire soi-même jusqu’aux plus modernes
en 2,4 GHz avec télémétrie et synthèse vocale (photo 19). On peut noter à ce
propos que - comme Francis Thobois le fait remarquer lui-même - il a toujours
été en avance sur les bureaux d’étude des grands fabricants de radiocommandes.
On peut alors se demander comment une personne seule, enseignante autodidacte,
a pu sur son temps libre concevoir des systèmes uniques ou en avance sur ceux
des grands bureaux d’étude jusqu’à plus de 80 ans ? En fait, cela n’a rien
d’étonnant car les « grands » guidés par le profit, pas le progrès,
pratiquent indiscutablement l’obsolescence contrôlée, c'est-à-dire le bridage
de l’innovation autant que possible pour économiser sur les frais de recherche
et de développement. Ils le paient un peu aujourd’hui car la dernière
innovation, le 2,4 GHz, vient une fois de plus d’un particulier (Paul
Beard qui a créé SPEKTRUM).
L’histoire de la RC moderne commence
donc avec les radios proportionnelles en décembre 1965, mais la date symbolique
dans la mémoire des aéromodélistes est fixée à l’été 1967 lorsque l’américain
Phil Kraft (photo 20) devient champion du monde au championnat du monde
d’acrobatie à Ajaccio en Corse avec son Kwik Fli III (photos 21 à 23) et une
radiocommande proportionnelle (photo 24) produite par sa propre entreprise. Il
n’est pas électronicien, a mis quatre ans pour mettre au point la technique de
la radio proportionnelle (codage PPM) qui sera utilisée durant 40 ans. Il a
commencé comme Francis Thobois par des articles et des kit, mais jeté l’éponge
en vendant son entreprise en 1977 (disparue en 1980). Graupner conscient de la
mutation en cours diffusa alors le Kwik Fli III renommé Kwik Fly Mark3, juste
après ses premières radios proportionnelles (copiées sur celle de Kraft qui
n’avait pas déposé de brevet…). Graupner a proposé à nouveau ce modèle en ARF
vers 2010.
Photo 19 : SUPERTEF 05 avec télémesure et synthèse
vocale (photo Francis Thobois) Photo 20 : Phil Kraft avec
son KWIK FLI III (photo internet)
Photo 21 : Réplique du KWIK FLI III (photo
internet)
Photo 22 : KWIK FLY MARK3 de Graupner (photo internet)
Photo 23 : éclaté du KWIK FLY MARK3 (photo internet)
Photo 24 : radio quatre voies KRAFT dans sa boîte
(photo internet)
L’étude du KWIK FLI III montre qu’on
est proche des modèles d’aujourd’hui avec quelques différences significatives
tout de même, différences qui devraient freiner les envies de certains
d’acheter un KWIK FLY MARK3 moderne. Les caractéristiques remarquables
sont :
·
Profil
d’aile quasi symétrique d’une épaisseur relative de 18 %, classique à l’époque,
qui décroche à plus faible vitesse et traine plus que les profils actuels. Cela
permettait des atterrissages plus lents avec une meilleure pente de descente et
ce sans volets.
·
Une
surface latérale du fuselage faible comparée aux multis d’aujourd’hui, ce qui
obligeait à effectuer le vol tranche plein gaz avec beaucoup de vitesse.
·
Des
surfaces de contrôle de taille réduite, ce qui conduisait à effectuer des
figures très larges à vitesse élevée.
·
Un fort
dièdre qui rendait le modèle très stable (trop ?) en vol dos.
·
Un
moteur peu puissant (ENYA 10 cm3 d’un cheval environ) comparé au
poids de l’ordre de 3 kg qui obligeait à voltiger le plus souvent plein gaz
compte tenu des autres caractéristiques.
La
radio est plus proche des radios d’aujourd’hui que l’aéromodèle. Le plus
frappant est l’aspect très sobre car le boitier n’est pas moulé, mais en tôle
découpée et pliée. Il manque aussi les divers réglages de chaque voie car on
les réglait alors mécaniquement dans le modèle. La plus grosse différence est
en fait peu visible, il s’agit du poids de l’ensemble de réception qui ne
descendait pas en dessous de 350 g à l’époque pour 4 voies, ce qui était
toutefois déjà beaucoup mieux que les ensembles TOR.
A partir de cette époque les
radiocommandes vont évoluer doucement et de façon limitée. On va principalement
ajouter grâce à l’apparition des microcontrôleurs des fonctions évoluées dans
l’émetteur (mémorisation des modèles et affichage des réglages et du temps). La
modulation numérique (PCM) dans les systèmes haut de gamme va limiter la
sensibilité aux parasites. Parallèlement, le poids de la réception va
progressivement diminuer pour arriver aujourd’hui à un poids qui peut devenir
dérisoire (moins de 10 g pour un ensemble indoor 3 voies), fonction surtout de
la taille du modèle contrôlé (typiquement 130 g pour un modèle de 3 kg). Durant
cette période deux fabricants de radiocommandes français se partagent le marché
national : RADIO PILOTE et LEXTRONIC qui produit alors des radios rouges
d’une esthétique unique (photo 25). Malheureusement, RADIO PILOTE (créé aussi
par pilote de compétition radio-modéliste non électronicien !) a disparu
depuis longtemps et LEXTRONIC a cessé de produire du matériel pour
l’aéromodélisme à la fin des années 80.
Photo 25 : Système de radiocommande LEXTRONIC (photo
Lextronic)
Du coté de la motorisation, cette
période connait également peu de changements. On notera surtout la disparition
dès le début des années 70 des derniers fabricants de micromoteurs français
incapables de concurrencer les étrangers, même des pays à fort coût de main
d’œuvre, malgré les droits de douane élevés. D’autres ont disparu au milieu des
années 70, comme la société allemande TAIFUN distribuée par Graupner de 1952 à
1975 (photo 26). Ceci prouve tout de même que la concurrence avec les japonais
(principalement OS et ENYA) était alors assez rude. L’allemand WEBRA n’a
d’ailleurs dû sa survie temporaire qu’à un rachat par des autrichiens.
Photo 26 : moteur de 1,5 cm3 à HURRIKANE de
TAIFUN (photo Neckar Verlag)
Au début des années 90 il ne reste
plus en France que quelques artisans fabriquant des planeurs. La majorité des
radiocommandes comme la grosse majorité des micromoteurs viennent du Japon.
L’Allemagne, l’Italie et les US exportent chez nous des cellules et des
accessoires.
Si durant cette période la
production nationale a décliné de façon désolante, on peut tout de même se
féliciter de n’avoir pas été mis à l’écart de la technique radio grâce à
Francis Thobois – exceptionnellement prolifique, inventif et surtout durable -
toujours actif en 2018. On notera aussi Francis Plessier alias «Le
Perroquet » (photo 27) qui a animé un nombre incalculable de rencontres.
Photo 27 : Francis Plessier (photo Club des Cigognes)
Les progrès des radiocommandes et
des micromoteurs ont donc été limités durant cette période. Les cellules, quant
à elles, ont profité d’une diversification significative des techniques de
construction. Dès les années 70 apparaissent les fuselages en plastique moulé
et les ailes en polystyrène expansé coffré en balsa sont largement diffusées.
Cette tentative d’industrialisation a finalement fléchi face à la main d’œuvre
asiatique bon marché, mais pourrait refaire surface car il faut depuis peu
payer les retraites et les congés des travailleurs chinois en plus de leur
fournir un bol de riz quotidien…ce qui a déjà fait partir plusieurs sociétés
nipponnes de chine. Durant la même décennie l’entoilage de tissu ou papier
verni a été remplacé par le film plastique autocollant thermo rétractable
incomparablement plus facile et rapide à mettre en œuvre que les anciennes
techniques. Avec la soie il fallait souvent plus de temps pour entoiler et
décorer que pour construire ; quand il ne fallait pas en plus recommencer
à cause d’une surface vrillée par un excès de tension. Dès les années 80, les
cellules en matériau composite et en polystyrène expansé moulé se sont
multipliées. Mais surtout, les kits à construire ont petit à petit été
supplantés par des modèles ARF, voire des RF, importés d’Asie à des prix
quasiment identiques à ceux des kits à construire.
Depuis le début du XXIème
siècle, nous sommes à nouveau dans une phase de progrès qui sera probablement
également suivie d’un long calme. La révolution est venue cette fois
d’Allemagne avec les moteurs électriques à balais puis sans balais associés à
des accumulateurs de plus en plus performants. Là encore, il s’agit de l’œuvre
d’individuels passionnés et pas d’entreprises établies. Cette motorisation a
engendré un véritable renouveau en rendant possible le vol indoor dans les
gymnases l’hiver et les parkfliers silencieux capables de voler presque
n’importe où sans gêner le voisinage ; ce qui a eu pour effet secondaire
d’attirer à nouveau vers le modélisme les jeunes rebutés par la manipulation
des moteurs à explosion.
En 2018, les grandes nations de
l’aéromodélisme sont les USA, le Japon et surtout l’Allemagne qui a pris le
leadership dans le domaine du dynamisme et de l’innovation. L’Italie et la
France suivent nettement derrière, mais on peut malgré tout s’enorgueillir
d’avoir quelques artisans comme AEROMOD [6],
AIRTECH [7], CCM [8] et Z-Système [9] (planeurs EPP) qui proposent des
planeurs de qualité. Dans le domaine des publications on a aussi la chance
d’avoir des auteurs dynamiques comme Laurent Berlivet [10]
qui ont franchi le cap « web » et publient maintenant sur l’internet,
se libérant ainsi des contraintes financières des publications papier qui sont
pieds et poings liés par leurs annonceurs et, en caricaturant un peu, n’ont
plus d’autre choix que de se contenter de présenter les dernières marchandises
toujours « parfaites » de leurs mécènes.
Didier Cervera, que tous les anciens lecteurs de la revue FLY
International disparue au printemps 2012 connaissent, a quant à lui, eu une
démarche de repositionnement innovante et prometteuse, puisqu’il propose par
l’intermédiaire de sa société CD Design [11] d’achever votre
ARTF (photo 28 : ARTIST de l’auteur monté et réglé par CD Design), de
construire votre modèle, le décorer (avec production d’adhésifs de décoration),
voire de le réparer, à des tarifs très raisonnables. Tous les aéromodélistes
pressés par le temps ou peu habiles de leurs doigts ont tout intérêt, s’ils
sont un peu patients (car Didier Cervera est très sollicité), à soutenir cette
initiative a priori unique ;
d’autant plus que le travail est excellent, indiscutablement celui d’un
professionnel de premier ordre qui ne ménage pas son énergie.
Photo 28 : ARTIST monté par CD Design (Didier Cervera)
Si les progrès immédiats viennent de
la propulsion électrique, les progrès à venir viendront certainement des
nouveaux systèmes de radiocommande. La façon de piloter et gérer son modèle
peut considérablement évoluer grâce aux pilotes électroniques et les systèmes
de télémesure qui peuvent enfin être exploités facilement grâce à la
transmission radio bidirectionnelle à haut débit que permet le 2,4 GHz.
Les avions de transport, comme ceux
de combat et les drones militaires, utilisent tous des commandes de vol
électriques, c'est-à-dire un pilotage à travers un calculateur, une centrale à
inertie et d’autres capteurs associés à un système de mesure. L’aéronef doit
toujours être piloté, mais ses possibilités sont significativement augmentées
tandis que les risques de crash sont considérablement diminués. Plusieurs
sociétés proposent des systèmes de contrôle adaptés aux petits engins (moins de
1 kg), mais encore chers pour notre loisir, ainsi que des dispositifs de
télémesure parfaitement adaptés à notre loisir.
N. B. : on
trouve – bien sûr – aussi tout ça dans le domaine des mini-drones qui sortent
du cadre strict de l’aéromodélisme.
On pourra noter par
exemple quelques uns de ces dispositifs :
·
Centrale
à inertie complète Xsens de 11g (photo 29) [12]
·
Pilote
automatique avec centrale inertielle et GPS Micropilot de 28 g (photo 30) [13]
·
Système
de télémesure Eagle Tree de 28 g (photos 31 à 33) [14]
Photo 29 : centrale inertielle complète (photo
constructeur) Photo
30 : pilote automatique complet (photo constructeur)
Photo 31 : système de télémesure (photo constructeur)
Photo 32 : écran de télémesure (photo
constructeur) Photo
33: courbes de télémesure (photo constructeur)
Les règlementations de la
compétition internationale maquette F4C comme notre règlementation nationale
refusent toujours ces dispositifs. Pourtant, est-il bien nécessaire qu’un
modéliste qui a souvent passé plus d’un millier d’heures sur une maquette
risque sa destruction suite à un décrochage ou un facteur G excessif alors
qu’on n’impose plus ce risque aux pilotes de combat et aux pilotes de
ligne ? Et que doit-il en être des maquettes d’avions dont l’original n’est
conçu pour voler qu’à travers ces systèmes ? Aussi, est-il bien nécessaire
que les spectateurs soient soumis au risque d’être blessés comme c’est déjà
arrivé, voire même tués comme c’est malheureusement aussi arrivé, par des
maquettes de plus de 10 kg dont le pilote a perdu le contrôle ?
Références
1. PredimRC, logiciel de prédétermination des planeurs et moto-planeurs
2. AMA, association américaine des aéromodélistes
3. Radio Modélisme, premier magazine d’aéromodélisme RC
4. William Shockley (Wikipedia), inventeur du transistor
5. Construction de radiocommandes par Francis Thobois
6. AEROMOD (planeurs RC)
7. AIRTECH (planeurs RC)
8. CCM (planeurs RC)
9. Z-Système (planeurs et ailes volantes en EPP)
10. Site modéliste de Laurent Berlivet Jivaro-models
11. CD Design : construction, finition, réparation d’aéromodèles
12. Centrales inertielles Xsens
13. Pilote automatique Micropilot